Le mathématicien lauréat de la prestigieuse médaille Fields et député Cédric Villani est l’auteur d’un rapport pour la mise en œuvre d’une stratégie française en matière d’intelligence artificielle (IA). Invité du Think Thank Parallaxe de HEP EDUCATION, il détaille dans cette intervention les enjeux de l’intelligence artificielle dans notre société. En évoquant, notamment, son impact dans le monde de l’éducation.

C’est l’un des principaux enseignements tirés par le mathématicien et député Cédric Villani au terme de la rédaction du rapport « Donner du sens à l’intelligence artificielle (IA) » qu’il a remis au gouvernement en mars 2018 : « Lorsqu’on travaille sur l’intelligence artificielle, on se retrouve vite à se poser des questions sur nous-même.». Pour illustrer son propos, ce vulgarisateur hors-pair prend pour exemple la mise au point de la voiture autonome sans chauffeur, l’une des applications concrètes de l’IA rendue possible par la généralisation des données de masse et « l’accélération imprévue » des performances de calcul ces dernières années. « En développant la voiture autonome, les chercheurs se sont vite rendu compte que la conduite est une activité beaucoup plus mystérieuse qu’il n’y paraît. Notamment parce qu’il existe, pour une action simple comme une insertion dans une file par exemple, tout un jeu de négociations entre les automobilistes qui met en échec l’ensemble des algorithmiciens », expose-t-il.

La pensée et les actions humaines étant plus complexes à reproduire que ne s’imaginait les pionniers de l’intelligence artificielle, « l’idée originelle de reproduire cette pensée humaine s’est reportée sur un objectif d’efficacité en terme de résultats », selon Cédric Villani, qui livre cette définition de l’IA : « Il s’agit d’un algorithme suffisamment sophistiqué pour faire des tâches que nous aurions naïvement cru réservées à l’humain. Des tâches perfectionnées, qui font intervenir beaucoup de paramètres et capable d’évoluer au cours du temps. »

Chantre de l’intelligence artificielle qui va « bouleverser les pratiques éducatives », Cédric Villani appelle, dans son discours, à la mise en place de formations dédiées à l’IA. « Des formations où l’expertise humaine rencontre l’expertise algorithmique, où les sciences humaines rencontrent les sciences dures ». Et, même s’il constate des réticences à l’arrivée des nouvelles technologies dans les salles de classe, il milite également pour l’apprentissage de l’informatique « dès le CP ». « Pour cela, il faut d’abord déminer le terrain, rappeler que la machine ne va pas remplacer le professeur. Un des autres freins majeurs est la défiance monde de l’éducation envers celui de l’entreprise où les entrepreneurs sont accusés de faire du profit sur le dos des enfants».

Mais, poursuit le mathématicien, l’arrivée de ces nouveaux outils doit s’accompagner de questionnements éthiques. Notamment pour tout ce qui à attrait aux données personnelles ou encore à la sécurité… « Nous devons nous poser collectivement la question de savoir dans quelle direction nous souhaitons aller avec ces technologies. Cela implique d’être attentif à ce qui se passe dans les autres pays du monde, aux errements ainsi qu’aux expérimentations réussies », affirme-t-il, en livrant plusieurs exemples.