Le 30 juin dernier les membres de la cellule d’innovation ouverte de HEP EDUCATION se sont réunis pour une journée d’inspiration dédiée à 3 enjeux principaux : l’exploration des compétences humaines, la capacité humaine d’adaptation et l’entreprise à mission. La matinée fut consacrée au thème de l’incertitude et à notre capacité d’adaptation.

Au cœur des Compétences Humaines, cette question de l’adaptation à un environnement complexe est l’une des clefs pour appréhender le monde d’après. Et le premier intervenant de la journée, Christian Clot, explorateur et chercheur, a d’emblée insisté sur le fait que « Pour la première fois de l’histoire se conjuguent plusieurs phénomènes. Les bouleversements climatiques et écologiques associés à des progrès technologiques profonds et à la croissance démographique sont à l’origine d’un changement structurel de nos vies ».

Christian Clot, est à la fois explorateur et chercheur. Il parcourt le monde, de ses zones les plus froides (-60°) à ses déserts les plus chauds (au-delà de 50°) afin d’étudier les influences que de telles contraintes induisent sur notre cerveau. Directeur de l’Institut de Recherche d’Adaptation Humaine, il est également en charge d’une étude scientifique baptisée COVADAPT pour mesurer l’impact du confinement et nos capacités d’adaptation, de gestion sociale et d’identification des troubles psychologiques provoqués par la crise sanitaire du Covid-19.

La capacité au changement

La question est cruciale pour Christian Clot qui part du postulat, largement reconnu, que si le monde a toujours été en constante évolution, c’est le rythme et l’intensité de ces évolutions qui a profondément changé. « Par le passé, les changements structurels ne nous empêchaient pas de savoir où en serait le monde dans 20 ans. Aujourd’hui, nous estimons qu’un homme vit en un an autant de changements que l’homme en vivait en une vie, il y a 100 ans ». La création, en 2014, de son institut procède de cette intuition que ces évolutions ont un impact sur notre cerveau et qu’il est nécessaire d’étudier ces bouleversements non pas uniquement en laboratoire mais aussi en situation.

Christian Clot possède cette capacité à expliquer très simplement des concepts scientifiques complexes. Scanners du cerveau à l’appui, il démontre que notre cerveau, pour agir, pour prendre une décision, se base de manière extrêmement forte sur les émotions. Et cette découverte va à l’encontre de nos croyances. Pour l’explorateur / chercheur, cette non prise en compte de nos émotions est extrêmement forte. Pour preuve, si les réflexions sur les dangers du changement climatique sont connues depuis plus de 60 ans, rien ne change. « Il faut parvenir, pour amener à faire comprendre des changements, à créer de l’émotion. L’humain, quand une crise surgit, a le réflexe de chercher des panneaux indicateurs, mais par définition, dans une crise, ils sont absents. Changer de chemin, pour aller vers une forme d’inconnu, demande énormément de courage et d’énergie cognitive.

L’esprit de conquête appliqué à l’enseignement

Cette capacité au changement, qui possède par définition une part d’inconnu, demande à construire un cheminement mental complexe car l’objectif n’est pas visible. Cela, pour Christian Clot, demande un esprit de conquête. Cet état d’esprit se base sur l’imaginaire, sur la capacité à projeter la raison pour laquelle on veut ce changement, sur une envie de réussir. Le directeur de l’Institut d’Adaptation Humaine fait le parallèle entre Histoire et Enseignement. « Quand en 1520, le navigateur Magellan demande des fonds pour mener une expédition d’exploration, il se voit rétorquer que cela ne sert à rien, tout a déjà été découvert. Trois ans plus tard, il découvre le passage vers l’Océan Pacifique… La manière d’enseigner procède de la même manière. Bien souvent, , il ne laisse pas assez ses élèves aller vers ce qui n’existe pas encore. Chacun d’entre nous a la capacité de devenir explorateur. Le champ des connaissances, quel que soit le domaine, peut être repoussé pour retrouver ce cycle perdu de l’exploration et de l’imaginaire. Le rôle de l’Ecole est alors de se doter et de doter ses élèves des moyens d’imaginer le futur ».

Une éducation tournée vers le futur

Il y a encore quelques années, les scientifiques estimaient que le cerveau ne pouvait plus évoluer après l’âge de 25 ans. Les recherches en neurosciences prouvent désormais que cette croyance se fondait uniquement sur un apprentissage basé sur la mémoire, le savoir structurel. Or, les neurosciences ont très largement exploré de nouveaux champs de connaissances et montrent que le cocktail d’un apprentissage mêlant réactivité, imagination, modularité et… stress sont des éléments qui engendrent une certaine plasticité du cerveau et ce, quel que soit l’âge de l’apprenant.

Autre révélation de Christian Clot, la force de l’émerveillement. « Quand la charge mentale est forte, l’activité cognitive engendre une grande fatigue. Le sommeil est alors nécessaire pour que les neurones se régénèrent. Les études montrent que d’autres moments permettent cette régénération, ce sont les moments de plaisir, d’émerveillement. Se couper de son activité, consacrer un moment à une respiration, même de quelques minutes, va permettre au cerveau de se régénérer autant que durant une nuit de sommeil. Le cerveau va se détendre et se reconditionner ».

A l’échelle d’un système éducatif, cette donnée est extrêmement puissante. Des pays comme le Finlande ou la Suisse sont parvenus, en quelques années, à transformer leurs systèmes éducatifs respectifs pour entrer dans une éducation tournée vers le futur.