La crise sanitaire que nous traversons impacte de nombreuses facettes de notre quotidien. Éducation, usage des outils numériques, monde de l’entreprise entre (beaucoup) d’autres. Les membres de la cellule d’innovation de HEP EDUCATION, issus non seulement des Écoles et centres de formation membres mais aussi de la société civile ont consacré une matinée à partager leurs expériences relatives à ces changements. Ces partages d’expériences ont pour objectifs d’alimenter les réflexions de la cellule d’innovation et ses projets qui en découlent (parcours d’apprentissage sur les compétences humaines, projets pédagogiques, modules et évènements).

Le deuxième volet de cette série de trois articles est consacré au rôle et à la mission éducative au regard des conséquences de la crise.

“Le numérique offre des potentiels pour déconstruire l’espace et le temps” affirme Emmanuelle Roux du Chaudron.io, une structure qui accompagne les entreprises dans leur transition numérique, mais elle ajoute immédiatement “que c’est un champ en construction car au-delà de la technique, certains freins proviennent de décennies d’usages et amènent à repenser le rapport à une salle, un professeur, un lieu, un horaire…”

Enseigner en temps de crise

Si les technologies apparaissent matures et donc en capacité d’accompagner les formations dans leur transition présentiel/distanciel, c’est l’humain, formateurs, étudiants, collaborateurs… qui souffrent de cette mutation à marche forcée, crise sanitaire oblige. 

Aurélie Tourmente, Directrice des services généraux et du développement du Campus du Groupe IGS à Toulouse l’avoue “il y a une réelle difficulté aujourd’hui pour les formateurs d’animer des cours en format mixte (une partie de la classe devant son ordinateur en même temps que d’autres étudiants  présents dans la salle). “Nous avons mis en place des entretiens avec les formateurs pour identifier les problématiques car une classe mixte engendre une grande fatigue et le fait de revoir l’animation de son cours. Une première réponse a été d’équiper les salles de deux caméras, en plan large et plan serré ainsi qu’ un programme de formation avec des ressources en ligne, à l’usage des formateurs. Raphaël Fransès, cofondateur d’Awayke qui pilote une équipe de 30 formateurs fait le même constat, “la modalité des cours mixtes est le pire vécu pour tous. Certains jours, nous avons trois étudiants en classe et 27 à distance”. Constat encore identique pour l’école Sup’ de Com, “le tout distanciel ou l’hybridation créent des dissonances cognitives car il est impossible de rester concentré durant huit heures de cours dans ces conditions”. 

Loin d’être une fatalité, Emmanuelle, Aurélie, Raphaël et Stéphanie ont su mettre en place des modalités pédagogiques spécifiques et adaptées.

Et vous faites quoi dans la vie ? Je suis régulateur distanciel

Chez Danone, les réunions à distance ont vu l’émergence d’une nouvelle fonction, d’un nouveau rôle, le régulateur distanciel. Bérangère Golliet, directrice de la Transformation de l’entreprise explique que “tout le monde a bien compris qu’un meeting hybride ne s’anime pas comme une réunion en présentiel. Nous avons donc créé cette nouvelle fonction, qui n’est pas dévolu à une personne en particulier, mais qui se charge, à chaque réunion à distance de sécuriser la technique, de créer de l’interactivité, de gérer les moments où l’on se voit, où l’on voit la présentation, de répondre aux questions du tchat, de s’occuper du back office etc. pour que l’animateur de la réunion n’ait que l’animation en tête. Le régulateur distanciel va également pouvoir mettre en place un système de votation par exemple, il va créer le mouvement, la dynamique”. Le propos de Martin Serralta, de l’Institut des Futurs Souhaitables vient souligner “la nécessité de gérer l’inclusion dans un groupe. Ce rôle peut être tenu par un étudiant. Il est également primordial” poursuit-il “d’éviter que la forme prenne le pas sur le fond. Nous utilisons pour cela systématiquement deux caméras avec un plan sur les participants et un plan sur l’intervenant”. Pour Martin, “l’objectif est de créer de l’interaction permanente avec des outils comme Zoom et Miro et, si la technique est maîtrisée, il est parfaitement possible d’animer, dans de très bonnes conditions, des séminaires avec 60 étudiants”.  

Faire confiance au groupe

Afin que la “forme ne prenne pas le pas sur le fond” comme l’évoque plus haut Martin Serralta, plusieurs intervenants soulignent l’importance de permettre aux étudiants de s’autonomiser. Au CRI par exemple, Eric Cherel, évoque une formation expérimentale de formats de cours asynchrone. Les étudiants, pour avancer sur un projet, vont recueillir les témoignages d’experts et les temps passés sur Zoom ne sont que des temps de collaboration. Raphaël Fransès, cofondateur d’Awayke, évoque également cette nécessité d’inventer de nouvelles méthodes de partage des connaissances comme “le mode projet, à distance, qui demande au formateur de prendre du recul, de faire confiance au groupe et on s’aperçoit alors que les étudiants apprécient énormément ces moments d’échanges et de partage”. Awayke est même allé plus loin en proposant plusieurs sessions, gratuites, d’un webinaire à destination de 15/25 ans intitulé “reprendre le pouvoir en période de crise”. Par groupe de 20 personnes, des trucs et astuces pour aller mieux et appréhender de manière plus positive la situation avec surtout à l’origine du projet, une forte mobilisation des intervenants d’Awayke.

Si, comme les membres du Cercle des Innovateurs, vous souhaitez partager vos expériences, vos ressentis de formateurs, d’étudiants, de collaborateurs… sur cette nécessaire adaptation/évolution de la pensée éducative, n’hésitez pas à commenter cet article. 

Fabien Richert